Notre église ne fait en effet pas partie des 50 églises « en souffrance » répertoriées par Stéphane Bern après l’incendie de Notre dame de Paris.
Avec moins de 10% de catholiques pratiquants en France, on peut aussi se poser la question de sa priorité…
Et pourtant…
La réponse n’est pas cultuelle,
Elle est culturelle.
Le motif d’une restauration d’église n’est pas religieux, il est patrimonial.
Le monde d’aujourd’hui est l’héritier d’un monde qui a été façonné par le christianisme :
notre architecture, nos trésors artistiques, nos concepts, nos références intellectuelles, notre organisation sociale, notre champ linguistique… Les lois sur la laïcité en sont si conscientes que, tout en protégeant notre libre-arbitre, elles protègent aussi les processus historiques qui nous ont modelés.
Notre église Saint-Michel, sise au centre du village, blottie sous le Brévent, prolongée par l’Hôtel de ville, est le premier visage historique de Chamonix. Au XIe siècle, la vallée est donnée par le Comtat de Genève aux moines de l’Abbaye de Cluses qui y construisent une première église en 1119. Il en reste une trace aujourd’hui, une fenêtre géminée à double colonne, sur l’actuelle Maison de la Montagne qui faisait office de prieuré.

L’église Saint-Michel n’a dès lors cessé d’accompagner la vie des Chamoniards répartis autour d’elle. Ses cloches ont sonné l’heure des jours, des baptêmes, des décès des générations qui s’y sont succédées. Elle a traversé les guerres, de religions et de nations, a disparu au cours d’un incendie au XVIe siècle, s’est transformée en église baroque au début du XVIIIe, a connu maçons et artisans italiens du Piémont venus l’orner de leurs talents, a subi un autre incendie ravageant ses cloches, son prieuré, ses retables, a franchi la Révolution française en perdant sa flèche et en gagnant son clocher à bulbe.
Dès le XIXe, la Compagnie des guides est étroitement mêlée à son histoire, la Savoie est rattachée à la France, le tourisme de masse se profile. Notre église franchit le XXe siècle essoufflée et connait une restauration en 1985, qui lui vaut par la suite son classement en monument historique…
Y a-t-il objectivement à Chamonix bâtiment plus étroitement imbriqué à l’histoire de la vallée et de ses habitants ?
Cela lui vaut bien le droit à prolonger son existence, non ?